La maturité d’un programme d’éthique et de conformité s’apprécie notamment en fonction de la bonne diffusion de la culture Ethique et Compliance au sein de l’entreprise, et ce jusqu’aux plus petites entités de l’organisation. Si la direction E&C a un rôle de « chef d’orchestre » dans la définition et la diffusion de cette culture et des règles qui lui sont associées, elle ne peut en revanche y parvenir seule. Pour mener à bien leur mission elles doivent s’appuyer sur des directions qui vont transmettre, relayer, voir amplifier le message délivré. Comment reconnaître ces directions, les transformer en « alliés » et faire en sorte qu’elles deviennent même proactives sur les sujets E&C ? Tour d’horizon des meilleures pratiques identifiées par nos membres.

Typologie d’alliés : suiveur, influenceur et impulseur

La notion de conflits d’intérêts se réfère initialement aux situations qui naissent dans la sphère publique, lorsque des décisions d’agents publics s’avèrent guidées par des intérêts extérieurs à l’intérêt général. Pourtant, des situations de conflits d’intérêts peuvent également voir le jour dans la vie des affaires, même si parfois elles ne sont pas clairemaent identifiées comme telles.

La difficile identification des conflits d’intérêts résulte principalement d’une méconnaissance de cette notion qui recouvre des réalités très diverses. Selon le guide de Transparency international, un conflit d’intérêts se définit comme : « une situation qui naît quand l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions d’une personne est susceptible d’être influencé par un autre intérêt public ou privé distinct de celui qu’il doit défendre dans ces fonctions ».

Pour prévenir les conséquences potentielles préjudiciables d’un conflit d’intérêt, il est tout d’abord nécessaire d’identifier les situations, selon le contexte et l’activité de l’entreprise, qui peuvent donner lieu à de tels conflits. Le contexte étant très différent d’une organisation à l’autre, il est impossible de dresser une liste exhaustive des situations pouvant donner lieu à des conflits d’intérêts.

Toutefois il semble possible d’en identifier les causes les plus courantes. Ainsi, les conflits d’intérêts résultent généralement de relations personnelles entre un donneur d’ordre et son fournisseur, de l’existence de liens familiaux ou amicaux aboutissant au contournement de certaines procédures internes, ou encore à raison d’engagements associatifs ou électifs de certains membres de l’entreprise.

C’est d’ailleurs pour éviter toute accusation de conflit d’intérêt liée à son élection au conseil d’administration d’Apple que Robert Iger, directeur exécutif de The Walt Disney Company, a annoncé renoncer à ses fonctions chez Apple le 10 septembre dernier. Cette décision s’explique par le lancement des services de vidéos à la demande Apple TV+ et Disney+ au courant du mois de novembre, qui mettra les deux entreprises en concurrence.

Face aux multiples situations qui peuvent déboucher sur un conflit d’intérêt, l’entreprise doit donc déployer un plan de prévention efficace. A ce titre, le guide de Transparency International liste un certain nombre de mesures pertinentes comme la mise en place d’actions de formations du personnel, la rédaction d’un code éthique illustré de cas pratiques concrets, ou encore la désignation d’un référent éthique.

Cartographie des directions alliées

S’il apparaît souhaitable que toutes les directions deviennent sur le long-terme des alliés, à tout du moins suiveurs, de la politique d’E&C, certaines directions, de par leur position stratégique et leur rôle dans l’activité et auprès des parties prenantes de l’entreprise, apparaissent comme des partenaires de premier plan.

La direction RH

La direction RH apparaît comme un allié indispensable dans la diffusion de la culture d’éthique au sein de toute organisation. Une étude EY sur la fraude révèle d’ailleurs que près de 11% des collaborateurs considèrent la fonction RH comme responsable du respect de l’intégrité au sein de leur entreprise… C’est même plus que la fonction juridique et conformité qui n’est accréditée que de 9% des réponses dans cette étude [1] !

Alors si la fonction RH reste dans certaines entreprises, un allié suiveur, il est fortement conseillé d’en faire un allié influenceur ! Car le réseau influent qu’elle possède généralement en entreprise lui permet de porter la culture d’éthique – du recrutement des nouveaux collaborateurs à la mise en œuvre des sanctions. Dans ce contexte, il est très intéressant de l’associer aux formations et aux enquêtes internes pour bénéficier également de son expertise propre.

Les directions de l’audit et du contrôle interne

Seconde fonction clef, la direction de l’audit et du contrôle interne, allié souvent impulseur, car bien informée des réglementations financières, elle est souvent en demande d’une conformité stricte sur les sujets de fraude et d’anti-corruption notamment. S’il est permis d’attendre de la part de cet allié de réaliser à minima les contrôles de 3ème niveau ainsi que les contrôles clefs d’évaluation de la politique E&C, sur le long terme, il peut être envisagé de lui demander d’intégrer une dimension E&C dans chacun de ses audits, ou de réaliser des audits spécifiques par exemple sur la culture d’éthique au sein de l’organisation, voire d’organiser des formations en commun.

Les directions achats et développement

Directions parfois réticentes à intégrer et à diffuser les mesures de la politique E&C qui sont encore perçues à certain moment comme des freins à l’activité, les directions achat et développement n’en sont pas moins importantes comme alliés. Ces fonctions doivent être considérées à minima comme des alliés suiveurs à qui il est demandé d’intégrer les règles E&C dans les procédures d’achat et de développement. Mais de par leur lien fort avec les parties prenantes externes de l’entreprise, clients et fournisseurs, il est intéressant de les transformer en allié influenceur, capables de diffuser la politique éthique du groupe vers l’extérieur et ainsi bâtir une réputation d’entreprise responsable.

Les autres directions

Digital, Juridique, RSE, Communication, Sécurité, Stratégie… Toutes les directions ont un rôle à jouer dans la diffusion et l’appropriation par les collaborateurs de la culture d’éthique et de conformité. Cela varie également en fonction de l’organigramme de chaque entreprise. Un seul exemple : la direction digital. Alors qu’elle pourrait être perçue comme un simple allié suiveur, celle-ci peut devenir un véritable allié influenceur ! Ainsi, en participant à la transformation numérique de la fonction E&C, la direction digital peut permettre d’affiner et de fluidifier les contrôles comptables ou les contrôles d’évaluation des tiers par exemple.

Intelligence collective : quelques bonnes pratiques

Afin de nouer et d’entretenir un dialogue de qualité avec les autres directions, et de faire de celles-ci des alliés influenceurs ou impulseur, il est nécessaire de développer l’intelligence collective. Pour y parvenir, quelques bonnes pratiques se distinguent.

Premier moyen de s’assurer du soutien des autres directions : intégrer leur représentant au Comité d’Éthique de l’entreprise. C’est une façon de les impliquer dans la gouvernance E&C et compliance et donc de leur donner un rôle clé. Attention cependant à ne pas transformer ce comité en simple « chambre d’enregistrement » et à toujours veiller à ce qu’il conserve sa fonction stratégique et prospective.

Il apparaît également fondamental d’être en mesure d’adopter un langage commun entre les diverses directions. Pour ce faire, il peut être intéressant d’intégrer dans l’équipe en charge des sujets E&C des expertises diverses : pourquoi ne pas recruter par exemple un spécialiste des relations humaines pour traiter des aspects culture éthique ? Ou un ingénieur pour la partie transformation numérique de la fonction E&C ?

En plus d’intégrer dans les équipes des expertises transverses, il convient au responsable E&C d’être proactif dans la recherche de projets communs à sa fonction et aux fonctions alliées : gestion de l’alerte interne en commun avec la direction RH, diffusion d’une culture de la vigilance commune avec la direction sécurité, réflexions sur l’éthique du numérique et de l’IA avec la direction digitale, etc…

Enfin, il ne faut pas hésiter à directement proposer son aide aux directions alliés ! C’est en effet un bon moyen de s’assurer que tous les sujets sont correctement traités par la direction E&C et que celle-ci reste à l’écoute des demandes des autres fonctions.

Bien que les sanctions pénales soient réservées aux cas les plus graves, l’existence même de situations de conflits d’intérêts peut entacher durablement la réputation d’une entreprise. Dans une société où l’image et la réputation ont une importance considérable, a fortiori par temps de crise de confiance dans les institutions, il s’avère primordial de les restreindre, dans la mesure du possible, au maximum. A ce titre, le développement d’une culture d’entreprise exemplaire en termes d’éthique mêlant actions de préventions, sensibilisation et traitement efficace des conflits avérés apparaît aujourd’hui comme un enjeu majeur, quelle que soit la taille de l’entreprise.    

Crédit photo : Unsplash

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