Au-delà de la rédaction du code d’éthique, la diffusion d’une culture de l’éthique et de la compliance représente aujourd’hui un enjeu indispensable pour les entreprises. Pour ce faire plusieurs grandes organisations ont misé sur des réseaux d’ambassadeurs éthique. Voici les étapes à suivre pour mettre en place un tel réseau.

Ces dernières années, de plus en plus d’entreprises ont développé, structuré et mis en place des codes de conduite et chartes d’éthique complets et précis. Mais édicter ce type de document ne suffit pas à s’assurer que les bonnes pratiques en matière d’éthique et de compliance soient réellement acquises et respectées dans l’entreprise.

Pour être certain de la diffusion et du déploiement des bonnes pratiques tout au long de la chaîne de décision de l’entreprise jusque dans les activités opérationnelles, il faut aller plus loin. Comment développer une véritable culture de l’éthique et de la compliance dans l’entreprise ? Comment faire en sorte que chacun s’approprie les règles éthiques ? Comment sensibiliser l’ensemble des collaborateurs concernés à ces règles et aux risques éthiques que leur activité soulève ?

Depuis la Loi Sapin II en particulier, ces questions constituent un enjeu de plus en plus important pour les entreprises. L’Agence Française Anti-corruption (AFA), qui a autorité administrative pour le contrôle des dispositifs et systèmes de management anti-corruption, met de plus en plus en exergue ces enjeux.

L’une des manières de s’assurer du déploiement d’une culture éthique résiliente et partagée au sein des grandes entreprises est de constituer un “réseau d’ambassadeurs”, chargés de diffuser les bonnes pratiques éthiques et d’aider à leur mise en place opérationnelle. Pour constituer un tel réseau de façon efficace trois grandes étapes sont à suivre.

1. Bien définir les missions et le cadre de son réseau d’ambassateurs

Avant toute chose, il est fondamental de prendre le temps de réfléchir précisément aux contours que l’on veut donner à son réseau d’ambassadeurs éthiques. Il s’agit notamment de définir la structure de ce réseau (le nombre de personnes que l’on souhaite impliquer, les directions que l’on souhaite plus particulièrement cibler…) mais aussi de clarifier les objectifs de ce réseau, ses missions et ses prérogatives.

Définir les rôles et le périmètre d’action du réseau d’ambassadeurs éthiques

Première remarque : le réseau d’ambassadeurs éthiques se distingue des membres du comité d’éthique et du réseau de compliance officers. Les ambassadeurs n’ont pas pour vocation d’assurer les missions de contrôle de conformité ou d’enquête sur les questions éthiques au sein de l’entreprise. Ce ne sont pas à proprement parler des professionnels de l’éthique, et il faut donc penser leur rôle en articulation avec ceux des compliance officers.

Le rôle d’ambassadeur, que les collaborateurs assurent en plus de leur travail, est d’aider au déploiement de la culture éthique au sein de l’organisation, en servant de point de relais entre le comité et la direction éthique d’une part et les collaborateurs de l’entreprise d’autre part.

En général, les missions des ambassadeurs sont d’abord d’ordre pédagogique : être capable de comprendre la politique éthique de l’entreprise afin de l’expliquer à ses collègues. Mais il peut également s’agir de conseiller les collaborateurs sur certaines décisions eu égard à la politique éthique du groupe, ou de soutenir le management et les équipes dans la transposition de la charte éthique en actions opérationnelles.

Formaliser la mission des ambassadeurs

Pour ce faire, il est important de définir des frontières : quel est leur périmètre d’action ? De quels éléments et thématiques de la politique éthique et conformité ont-ils la charge ? Contribuent-ils à la formation en interne ? Au traitement des alertes ? Tout cela doit être défini formellement.

Et inversement ! Il est également nécessaire d’énoncer clairement ce qui ne fait pas partie des prérogatives du réseau d’ambassadeurs : communiquer à l’extérieur sur les questions éthiques, lancer des procédures d’enquête, etc.

Enfin, il faut aussi penser précisément la façon dont est formalisée la mission d’ambassadeur. La mission est-elle officialisée par un mandat, une lettre de mission ? Quel est le temps de travail que l’ambassadeur est supposé allouer à ses missions éthiques : 5%, 10%, voire 15% ? La mission donne-t-elle lieu à des objectifs précisément identifiés dans l’entretien annuel ? L’implication et les résultats de la mission sont-ils mesurés, et si oui comment ? Quelles sont les clauses de protection dont bénéficient les ambassadeurs ? Quelles sont leur possibilité de retrait ?

Dans cette question de la formalisation, il y a aussi la question de la portée du dispositif. Est-il soutenu par la direction ? À quel point les managers sont-ils impliqués ? Un soutien officiel des dirigeants de l’entreprise est généralement une bonne manière de structurer un réseau d’ambassadeurs et de lui donner de la légitimité.

2. Ambassadeurs éthiques : identifier et recruter les bons collaborateurs

Une fois précisément définis les contours et les objectifs du réseau, il s’agit de “recruter” les bons collaborateurs.

Identifier les référents éthiques

L’intérêt d’un réseau d’ambassadeurs éthiques repose sur la capacité des collaborateurs qui en ont la charge de bien connaître l’activité quotidienne de leur entreprise et les dilemmes éthiques qui s’y présentent. Ainsi ils sont à même de savoir comment transcrire la politique éthique et compliance de l’entreprise dans les actions opérationnelles.

Il convient donc de consacrer une attention particulière à l’identification et au recrutement des membres du réseau éthique et compliance. Plusieurs questions doivent être posées : au sein de quelles directions a-t-on besoin de référents éthiques ? Au sein de quelles zones géographiques, de quelles filiales ? Faut-il cibler les talents de l’entreprise ? Les référents doivent-ils être volontaires, ou désignés (par le comité d’éthique ou par les directions opérationnelles) ?

Il est parfois complexe de trouver les bonnes personnes aux postes clés pour constituer un réseau d’ambassadeurs éthique efficace. Les formations aux sujets d’éthique peuvent-être l’occasion d’identifier les personnes les plus motivées, mais rien ne se substitue à un dialogue plus poussé avec le management et avec les collaborateurs afin d’identifier les meilleurs profils.

Structurer et consolider le réseau éthique

Une fois ces personnes identifiées, il convient de lancer la structuration concrète du réseau. Les collaborateurs doivent-être formés, et les contours et objectifs de leur mission d’ambassadeur éthique doivent leur être clairement explicités.

Là encore, les modalités sont nombreuses : formation à distance ou en présentiel, en commun ou en petits groupes… Ces moments de formation sont essentiels, car c’est à ce moment-là que se constitue la solidarité qui permettra ensuite au réseau de fonctionner de façon fluide.

C’est aussi à ce moment qu’il faudra valider les procédures opérationnelles du réseau éthique : comment le réseau communique-t-il ? Comment les ambassadeurs peuvent-ils s’assurer de l’appui permanent des compliances officer et de la direction et du comité d’éthique ? Quelles sont les procédures en cas d’alerte éthique ? En cas de question épineuse relative à la conformité ?

En résumé : il s’agit de définir (et dans l’idéal de co-construire) tout le dispositif sur lequel le réseau d’ambassadeur pourra s’appuyer dans la réalisation de sa mission.

3. Faire vivre et animer son réseau d’ambassadeurs éthiques : les bonnes pratiques

Enfin, une fois le réseau pensé, les ambassadeurs identifiés et le dispositif constitué, l’enjeu majeur consiste alors à le faire vivre, le gérer et l’animer de manière quotidienne.

Gouverner un réseau d’ambassadeurs éthique et compliance

Mettre sur pied le réseau ne suffit pas, encore faut-il définir une gouvernance résiliente. Pour cela il convient de bien définir les modalités d’animation du réseau : organisation de conférences téléphoniques régulières pour assurer le bon fonctionnement du réseau, communication auprès des membres de toute l’information dont ils pourraient avoir besoin pour assurer leurs missions, vérification des besoins des ambassadeurs, etc.

Pour cela, il semble judicieux de s’appuyer sur les possibilités offertes par les outils numériques : intrant, réseaux sociaux d’entreprise, forums internes ou newsletter dédiée, les solutions apparaissent nombreuses. En outre, la tenue de séminaires de formation continue reste indispensable.

Valoriser et faire rayonner les ambassadeurs de l’éthique et de la compliance

Crédit photo : Unsplash

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Il existe enfin un véritable enjeu à valoriser et à faire rayonner le réseau. D’abord, pour en motiver ses membres. Alors qu’une simple reconnaissance verbale, bien qu’indispensable, n’est pas nécessairement suffisante pour assurer la motivation et l’implication à long terme des membres du réseau, il semble intéressant d’envisager des formes plus concrètes de valorisation (prime sur objectif par exemple, avantages en termes d’employabilité en interne…).

Mais l’enjeu est aussi de rendre le réseau identifiable au sein de l’entreprise : il faut que les collaborateurs sachent précisément qu’il existe des collègues auxquelles ils peuvent s’adresser en cas de dilemme sur des questions éthiques et de compliance. Et pour cela, rien ne vaut l’implication du management, jusqu’aux plus hauts niveau de la direction de l’entreprise.

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